Tribune: L’unanimité en question...
Lors des derniers jours, la règle de l’unanimité a permis à certains pays de bloquer plusieurs initiatives européennes importantes.
Chypre s’est opposée brutalement aux décisions et aux sanctions (pourtant bien faibles) de l'UE vis-à-vis de la Biélorussie (alors qu’elle est d’accord sur le fond...), arguant du fait que l’UE ne prenait pas de sanctions équivalentes contre la Turquie dans le différend sur les espaces maritimes en Méditerranée orientale.
Quelques jours plus tard, c’est au tour de la Hongrie et de la Pologne de menacer de bloquer le fonds de relance post-Covid et le projet de budget pluriannuel de l’Union (soit un montant de quelque 1 800 milliards au total, à approuver à l’unanimité pour permettre notamment à l’Union de s’endetter pour relancer l’économie) au motif de la “conditionnalité des aides”.
La conditionnalité consiste à décider que les pays qui ne respectent pas les valeurs européennes de la démocratie (indépendance de la justice, liberté de la presse, équilibre des pouvoirs) pourraient se voir rogner voire supprimer les aides européennes. Le texte évoque aussi des menaces sur « la bonne gestion financière » et les carences de la lutte anticorruption . Il pourrait aboutir à remettre en cause bien d’autres pratiques des régimes “ illibéraux “.
Nous voyons là la répétition de plus en plus fréquente d'un “chantage facile” permettant à n’importe quel pays membre de l’UE de bloquer une décision pour des raisons qui peuvent être sans lien direct avec le sujet en cause. Cela devient se développe avec le populisme qui enfle dans plusieurs pays de l'UE. De fait, ces blocages empêchent de prendre des décisions rapides, souvent nécessaires à la politique extérieure européenne. Par contrecoup, on facilite le discours des populistes et des opposants à l'UE, qui disent “Voyez l’Europe, elle ne décide jamais rien!!!”. La boucle est bouclée.
Comment en sortir ??
Pour modifier les règles de fonctionnement de l’UE, il faudrait de modifier les traités... à l’unanimité des 27. Qui peut croire aujourd’hui à cela, si in fine cela enlève le droit de veto des uns et des autres sur un sujet ? Tout casser et refaire autre chose, est-ce encore possible? souhaitable?
La seule voie crédible, juridiquement disponible à ce jour, ce sont les programmes de coopération renforcée entre pays qui se choisissent et qui gèrent seuls cette coopération, par exemple sur la fiscalité, l’économie ou la défense ...(c'est-à-dire sur des sujets où l'unanimité est bloquante).
Espérons que l’Allemagne et la France nous montrent le chemin rapidement.
Charles-Antoine ROUSSY, nouveau président de la Maison de l’Europe
PS: Dans les institutions européennes, l'unanimité est nécessaire, notamment pour les décisions du Conseil de l’UE, pour :
les questions de politique étrangère et de défense (politique étrangère et de sécurité commune),
les questions relatives à la justice et aux affaires intérieures (coopération policière et judiciaire en matière pénale, procureur européen),
les questions de fiscalité et l'harmonisation des législations nationales en la matière,
les questions liées à l'adhésion à l'UE (élargissement),
les questions budgétaires avec la définition du budget pluriannuel de l'UE (cadre financier pluriannuel) et la création ou modification de ressources financières propres à l'Union,
les questions de politique sociale avec l'harmonisation des législations nationales dans le domaine de la sécurité sociale et de la protection sociale,
les questions de citoyenneté (sur les droits accordés aux citoyens européens),
les modifications apportées aux traités.
Comments