Pourquoi ne parle-t-on plus du «Spitzenkandidat» ?
Le terme Spitzenkandidat est emprunté au système électoral allemand dans lequel il est utilisé pour désigner le "candidat tête de liste" lors des scrutins.
Pour les élections européennes, cela signifie que chaque parti politique européen désigne un chef de file. Le Spitzenkandidat du parti politique qui emporte le plus de sièges est ensuite le candidat proposé par le Conseil européen au vote du Parlement européen pour la présidence de la Commission européenne. Ce mode de sélection fait des partis politiques européens les principaux vecteurs de la campagne pour la présidence de la Commission. Ce ne sont plus les États, représentés au sein du Conseil européen, qui ont seuls l'initiative de proposer un candidat au Parlement européen.
Calqué sur un modèle parlementaire classique, ce système vise à renforcer la légitimité démocratique de la Commission européenne et à créer un rapport plus étroit entre les votes des électeurs et les coalitions au sein des institutions de l’UE. Il s’agit aussi de lutter contre une abstention croissante, les citoyens européens considérant toujours les élections européennes comme un scrutin de second ordre. La nomination de têtes de listes, candidats à la présidence, peut rendre le scrutin européen plus lisible pour le citoyen.
De ce fait, chaque parti européen doit sélectionner en amont un candidat à la présidence de la Commission européenne.
Objectivement, cela donne aux citoyens une raison supplémentaire de se rendre aux urnes car leur vote a alors plus d’enjeu. Les citoyens votent non seulement pour les députés européens du Parlement, mais aussi pour la présidence de la Commission, par ricochet.
Jusqu’à présent, le système du Spitzenkandidat n’a fonctionné qu’une seule fois, en 2014, avec la nomination du Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, alors tête de liste du Parti Populaire Européen (PPE).
En 2019, en revanche, le Conseil européen a fait fi des Spitzenkandidaten. Ainsi ce système, mettant comme favori l'Allemand Manfred Weber, n'enthousiasmait pas les dirigeants des États européens. Finalement, Ursula von der Leyen a été proposée par le Conseil aux députés qui l'ont validée à ce poste, alors que l’ancienne ministre allemande n’avait pas participé à la campagne électorale.
À l’occasion des élections de 2024, la question d’utiliser ou non le système du Spitzenkandidat se pose de nouveau.
La pierre d’achoppement du processus du Spitzenkandidat est qu’il n’est pas explicitement inscrit dans les traités de l’Union. Cela soulève alors la nécessité de trouver une stabilisation dans la désignation de la présidence de la Commission européenne, au lieu de se reposer sur une interprétation souple des traités et d’alterner tous les cinq ans entre un système avec et sans Spitzenkandidat.
Concrètement, cela implique de clarifier l’article 17 du Traité de l’Union européenne (TUE) qui indique que « en tenant compte des élections au Parlement européen [...], le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission ». Mais cet article n’est pas des plus explicite – car que signifie « tenir compte des élections » ? Cela laisse place à beaucoup d'interprétations.
Aujourd'hui, personne ne semble vouloir relancer vraiment le sujet des Spitzenkandidaten avant les élections européennes actuelles, seuls les Verts et les socialistes (PSE) ont désigné un spitzenkandidat.
De plus, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a confirmé son intention de diriger l'exécutif pour cinq années supplémentaires. Et le PPE, qui est le parti habituellement le plus important, s'est déjà prononcé en sa faveur, alors même qu'elle n'est pas candidate aux élections.
La parenthèse s'est refermée concernant le processus de désignation du futur président de la Commission européenne. Un nouveau mode de désignation demandera des efforts considérables et la modification des traités en vigueur, ce n'est pas pour maintenant.
Dommage !
Charles-Antoine Roussy
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