« Make Europe Great Again », la Hongrie prend la présidence du Conseil de l’Union européenne.
Le Premier ministre Viktor Orbán et son ministre des Affaires européennes, en discussion avec le président du Conseil européen Charles Michel (à gauche) en novembre 2023
Crédits : Union européenne
« Make Europe Great Again » ou « Rendre à l'Europe sa grandeur » tel est le slogan choisi par Viktor Orban pour ces six mois de présidence
A partir du 1er juillet, Budapest assure la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne* pendant six mois. De quoi provoquer un malaise au sein du Parlement européen et chez plusieurs États membres, en raison des positions eurosceptiques et pro-russes du Premier ministre hongrois Viktor Orbán.
Les autres dirigeants européens ne cachent pas leur inquiétude tant le dirigeant hongrois, volontiers pro-russe, a multiplié ces dernières années les signes de mauvaise volonté à leur égard, notamment dans le dossier ukrainien.
La Hongrie tente de bloquer systématiquement chaque initiative pouvant déplaire à la Russie engagée dans l’offensive en Ukraine. Viktor Orban s’efforce constamment d’adoucir les sanctions contre Moscou. En parallèle, il use de son droit de veto pour entraver l’aide militaire à Kiev.
Il s’est aussi farouchement opposé à toute discussion d’adhésion avec l’Ukraine, jugeant que son voisin n’était pas prêt. Il avait finalement accepté de quitter la table du Sommet des dirigeants des Vingt-Sept en décembre, le temps que ses homologues décident d’ouvrir les pourparlers.
Sur l’immigration, la Hongrie est également la figure de proue des opposants à l’arrivée de migrants extra-européens. Depuis la crise de 2015, Viktor Orban a barricadé son pays en érigeant des clôtures à ses frontières, disant vouloir « défendre » une Europe « chrétienne ».
Une condamnation historique de la Cour de justice de l’UE a été infligée à la Hongrie en juin, à hauteur de 200 millions d’euros, pour son non-respect des traités.
Enfin, le non-respect de l’état de droit provoque régulièrement des épisodes de tensions entre le pays d’Europe centrale et Bruxelles.
Le Parlement européen a déclenché l’article 7 du traité de l’UE contre la Hongrie en septembre 2018, un mécanisme pouvant déboucher sur une suspension du droit de vote, mais qui n’a toujours pas abouti. Ces inquiétudes sur l’état de droit ont aussi poussé Bruxelles à geler des milliards d’euros destinés à la Hongrie. Si une partie a été débloquée fin 2023, quelque 19 milliards restent en suspens. La Hongrie fait par ailleurs l’objet de plusieurs procédures d’infraction, dont l’une sur une loi de 2021 jugée homophobe.
La présidence hongroise doit assurer le bon fonctionnement des institutions européennes pendant ce semestre qui ouvre un nouveau cycle institutionnel :
L'installation du nouveau Parlement européen, l'élection du président de la Commission européenne et la désignation des commissaires, la prise de fonction du nouveau président du Conseil européen et, enfin, le vote du Parlement européen sur l'investiture de la Commission sont les éléments qui vont marquer successivement les six prochains mois.
Elle tente toutefois de rassurer les autres Etats membres de l’UE. « Ce sera une présidence comme les autres. Nous serons des médiateurs honnêtes et nous essaierons de coopérer sincèrement avec les Etats membres et les institutions de l’UE », assure l’ambassadeur hongrois auprès de l’Union, Ódor Bálint.
La Hongrie a choisi mettre en avant certains sujets qu’elle juge prioritaires
- la compétitivité et la défense européenne sont des sujets plutôt consensuels au sein des 27 ;
Le troisième axe prioritaire identifié par la Hongrie est déjà plus sensible avec une politique d’élargissement fondée sur le mérite : on peut considérer en lisant entre les lignes que Budapest compte favoriser plutôt l’adhésion de son allié serbe que celle de l’Ukraine. Le Premier ministre magyar a toutefois cédé sur l’avancement des négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE, officiellement ouvertes depuis le 25 juin ;
- L’immigration illégale est également un sujet délicat.
Il s’agira pour Budapest d’organiser la mise en pratique du Pacte sur l’asile et la migration, lequel a été difficilement adopté le 10 avril, et auquel le gouvernement de Viktor Orbán s’était farouchement opposé. Il souhaite travailler sur la dimension externe des migrations (meilleure coopération avec les États tiers, renforcement des mesures de la politique de retour et recherche de solutions innovantes dans la gestion de la politique de l’asile et des routes migratoires) ;
-La politique de cohésion : lancer un dialogue stratégique sur la politique de cohésion après 2027 ;
-Une politique agricole commune centrée sur les agriculteurs : placer les agriculteurs au centre des réflexions sur la future Politique agricole commune ;
- Les défis démographiques.
On peut considérer que la présidence hongroise jouera un rôle minimal.
En effet, la nouvelle Commission ne sera pas en place avant début novembre, et les parlementaires européens seront occupés à s’installer et à élire du prochain exécutif communautaire.
D’autant que la Belgique et les institutions européennes ont mis les bouchées doubles pour boucler des décisions importantes avant les élections.
Viktor Orban peut toutefois tenter d’entraver des dossiers et d’assouplir les restrictions sur l’État de droit pour récupérer les fonds européens mais sa marge de manœuvre est limitée.
IL a annoncé, dimanche 30 juin à Vienne, une alliance baptisée « Patriotes pour l’Europe », avec le chef de file du parti d’extrême droite autrichien FPÖ Herbert Kickl et l’ancien Premier ministre tchèque Andrej Babiš, à la tête de la formation populiste ANO tchèque. Elle se présente comme opposée au soutien militaire à l’Ukraine, contre l’immigration illégale et pour la famille traditionnelle.
Depuis qu’il s’était retiré en 2021 du Parti populaire européen (PPE, conservateurs), le parti du Premier ministre hongrois se trouvait parmi les non-inscrits. La formation autrichienne faisait quant à elle partie du groupe Identité et démocratie (ID, extrême droite), où se trouvent les députés du Rassemblement national (RN) français, tandis que le parti ANO d’Andrej Babiš a récemment décidé de quitter Renew Europe qui inclut les libéraux et centristes.
Pour former un groupe au Parlement européen, cette alliance souverainiste a besoin de 23 députés européens issus de sept pays différents. Elle dispose d’assez d’élus grâce aux 11 députés du Fidesz hongrois, aux 7 députés d’ANO ainsi qu’aux 6 représentants du FPÖ autrichien. Il lui manque en revanche quatre pays.
Le 1er juillet, le président du parti d’extrême droite portugais Chega, André Ventura, aurait confirmé son intention de faire partie de cette coalition souverainiste avec ses deux députés européens, selon un porte-parole du Premier ministre hongrois. Si au moins trois autres députés de nationalités différentes décidaient de faire de même, la plateforme deviendrait alors le troisième groupe d’extrême droite au Parlement européen.
Elle s’ajouterait aux Conservateurs et réformistes européens (CRE), où siège le parti Frères d’Italie de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, et à Identité et démocratie (ID), dominé par le RN français. A moins que ces partis ne décident eux-mêmes de rejoindre l’alliance de Viktor Orbán.
Isabelle Roussy,
Sources principales : Toutel’Europe et Sud-ouest
*Qu’est-ce que la présidence du Conseil de l’UE ?
Le Conseil de l’UE réunit les ministres des États membres de l’Union européenne, et change donc de composition en fonction du domaine abordé. Il ne doit pas être confondu avec le Conseil européen, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement. Le Conseil de l’UE a pour principales missions de négocier et d’adopter la législation de l’Union (conjointement avec le Parlement européen). La présidence tournante permet d’influer sur l’agenda des décisions prises par ce Conseil des ministres de l’UE. Mais il doit tout de même composer avec les 26 autres membres et construire des consensus, ce qui n’est pas chose facile.
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