Lettre Europe Janvier
Editorial: Les quatre étages
L'heure est à la contestation tous azimuts des pouvoirs et des élites.
Tous les États traversent actuellement des turbulences car l'utilisation massive des réseaux sociaux bouleverse les rapports entre gouvernants et gouvernés. Chacun a l’impression d'obtenir immédiatement ce qu'il veut avec son « smartphone », depuis n'importe quel lieu et à n'importe quelle heure. Les citoyens exigent désormais des relations directes, immédiates et horizontales entre eux et les pouvoirs et que les élus soient « à portée de baffe » !
Ils veulent des réponses immédiates à toutes leurs attentes, comme on l'obtient avec Internet : une pizza à 3 h du matin, la liste des prix Nobel au cours d'un dîner familial... Cela explique le succès des recettes simplistes et à très court terme des populistes. Cette immédiateté des résultats et cette exigence de démocratie directe ne sont pas l'ordinaire d'une machinerie telle que l'Union européenne qui travaille sur le temps long, avec des processus de décision forcément lents pour arriver à mettre d'accord des États n'ayant pas forcément les mêmes intérêts.
Le citoyen peut interagir directement avec le 1er étage de pouvoir, l'étage municipal, en rencontrant assez facilement le maire ou un conseiller municipal, en participant à un conseil de quartier. Le 2ème étage, l'étage régional, est déjà plus difficile à percevoir, surtout avec des régions devenues immenses. Le 3ème étage, le gouvernement national, peut très vite être coupé des citoyens s'il n'y prend pas garde, en raison de la distance géographique et surtout psychologique entre Paris et certaines zones périphériques. De plus le rôle des parlementaires en tant qu’interface est désormais déprécié.
L'Union européenne se situant au 4ème étage de l'édifice démocratique, le citoyen se sent très loin de ce centre de pouvoir dont il connaît mal les compétences et le mode de fonctionnement ; il en conteste même parfois l'utilité.
Tout le défi est de faire comprendre que ce 4ème étage est indispensable pour gérer correctement des dossiers dont les enjeux et les moyens nécessaires dépassent les possibilités des trois autres étages et qui tous se caractérisent par le temps long pour résoudre le problème:
– La protection de l'environnement, la lutte contre le changement climatique et la mise en œuvre de la transition énergétique : le "nuage de Tchernobyl" ne s'est pas arrêté à la frontière nationale, pas plus que les gaz à effet de serre, et la fonte des glaces du Groenland a déjà des conséquences sur nos côtes.
– Les relations commerciales avec les grands blocs commerciaux sont de plus en plus rugueuses : la Chine, les Etats-Unis, l'Inde, le Japon... ne feraient qu'une bouchée d'un État de 67 millions d'habitants se présentant tout seul à la table de négociation ; les Britanniques vont en faire l’expérience quand ils vont négocier leurs « mirobolants » accords commerciaux après le Brexit ! Les accords commerciaux exigent des années de négociation et, face à la brutalisation des relations internationales, imposent de se mettre ensemble pour résister aux pressions et menaces.
– Face aux grandes multinationales sans installations physiques en Europe, seul un pouvoir européen peut leur faire entendre raison, que ce soit pour leur faire payer des impôts, leur faire protéger nos données personnelles ou les empêcher d'abuser de leur position dominante.
– Les équilibres géopolitiques entre grands blocs nécessitent des moyens diplomatiques, militaires, d'influence qui dépassent ceux de la plupart de nos États européens pour résister aux tentatives de pression, de déstabilisation par les cyberattaques, le terrorisme international et les conflits dit de basse intensité (troubles et guérillas entretenus depuis l'extérieur). Dans un monde où de plus en plus de puissances ou groupes terroristes nous menacent directement, il nous faut, nous Européens, serrer les rangs.
– La gestion des migrations ne peut s'envisager au seul niveau des frontières nationales ; les portes d'entrée principales sont en Grèce, en Italie et en Espagne et c'est là que les flux doivent être régulés. Imagine-t-on un verrouillage efficace de la frontière franco-belge qui passe dans les rues des villages ou au milieu des champs sans aucun obstacle naturel ?
Cette liste de domaines dont les enjeux dépassent les moyens des États nationaux n'est pas exhaustive. Certes, dans tous ces domaines, l'Union européenne n'atteint pas toujours son efficacité optimale mais la solution est plus dans le renforcement de son efficacité que dans la volonté de gérer ces problèmes au seul niveau national. Seule l'union nous rend plus forts dans un monde de brutes !
Stage en Hongrie – Interview de Gabriel et Hugo
Quatre élèves du lycée Jacques Prévert de Saint-Christol lez Alès effectuent en ce moment un stage en Hongrie. Cette mobilité Européenne, organisée par la Maison de l’Europe de Nîmes, est l’occasion, pour ces élèves de Bac Professionnel Vente, d’améliorer leur niveau en anglais tout en découvrant un pays d’Europe. Ils en sont à leur troisième semaine de stage et leur professeur de vente programme, dans le cadre du cours de section Européenne Anglais des échanges réguliers avec les élèves restés au lycée. Fatiha, Assia et Drys, élèves en seconde bac pro MRCU ont organisé un Skype avec eux pour leur poser quelques questions sur leur expérience.
Fatiha : Bonjour, comment ça va ?
Gabriel : On est un peu fatigués car nous ne sommes pas habitués aux grands froids et nous sommes tous tombés un peu malade, mais ça va !
Assia : Comment se passe votre stage ?
Hugo : Globalement bien, même si parfois on se sent un peu seul car on a très peu d’échanges avec les étudiants hongrois qui sont actuellement en plein partiels. Le stage de Yanis et Sofiane est plus riche de ce point de vue.
Gabriel : Pendant notre stage nous participons à l’organisation d’une manifestation de promotion de la filière ingénierie logistique auprès des élèves de lycée.
Drys : Etes-vous pressés de rentrer en France ?
Hugo : La France nous manque un peu bien sûr, mais ici on a pris nos marques et on se sent très bien !
Fatiha : Vous êtes-vous fait des amis ?
Hugo : On se fait de très bonnes relations grâce au Community Center. Par contre c’est vrai qu’on reste beaucoup entre français. En effet, nous avons rencontré Léo, qui nous aide beaucoup. C’est un français qui fait un service volontaire européen à Kecskemét. Nous avons également sur place une sorte de « grand frère », Lazlo, qui est en charge de veiller que tout se passe bien pour nous. Lazlo a fait ses études à Montpellier et parle très très bien le français. Du coup on a tendance à faire moins d’efforts. Heureusement, au stage à l’université et au sein de la résidence universitaire où nous logeons, nous sommes obligés de parler anglais.
Assia : La vie quotidienne est-elle très différente de la vie en France ?
Gabriel : La différence principale concerne les repas. Les hongrois dînent très tôt, entre 17h et 18h. Ils mangent de la soupe à tous les repas et aucun légume.
Hugo : Je trouve aussi que les hongrois font preuve de plus de civisme que les français. Ici, les voitures laissent passer les piétons, dans la rue les gens sont très discrets. En ville il y a des cendriers dans toutes les rues et personne ne jette ses cigarettes au sol !
Drys : Que font les deux autres élèves en stage ?
Hugo : Ils sont en stage dans un Community center. C’est un endroit d’échange entre hongrois et jeunes européens (service volontaire européen, stagiaires comme nous, étudiants, professeurs…) La semaine dernière, ils ont organisé un Chat français, on y a assisté, c’était super !
Fatiha : Pour finir, comment vivez-vous l’éloignement avec votre famille ou vos amis ?
Hugo : Très bien, on communique régulièrement avec eux. Ce sont surtout nos parents qui languissent !
L’Europe près de chez vous/nous
Diagnostic bio tourisme Le Diagnostic « bio tourisme », financé presque aux 2/3 (64%) par le programme LEADER(*) permet aux CIVAM du Gard de développer un projet original conjuguant tourisme et développement du bio. Ce programme d’un montant total de 9549 euros a pour objectifs d’étudier l’opportunité et la viabilité commerciale de produits « hybrides » entre activités touristiques d’accueil et partage des valeurs liées à l’image de l’agriculture biologique. Sa réalisation consiste à mettre en réseau les acteurs du bio en vue de développer des circuits agrotouristiques spécifiques, et à les professionnaliser pour les aider à acquérir une structuration et une visibilité qui paraissent aujourd’hui trop diffuses. (*) Pour mémoire : une fois n’est pas coutume, cet acronyme qui fleure bon son anglicisme se décline en français : LEADER veut dire Liaison Entre Actions de Développement de l’Économie Rurale. ************************* Soutien au réseau des loueurs de canoës, aménagement des sites de pratique de cette activité Dans ce cas précis, LEADER finance à 35% (sur un coût global de 30 853 euros) le diagnostic de l’activité et la proposition de scénarios d’aménagement d’infrastructures liées à la pratique du canoë et aux activités qu’elle entraîne en amont et en aval (c’est le cas de le dire) : déplacement, entretien, stationnement, aires de pique-nique, hébergement, commerces de proximité, etc. Les objectifs du projet sont de préserver le milieu naturel ainsi que le site en lui-même (le Pont du Gard étant, on s’en souvient, labellisé par l’UNESCO au titre du patrimoine mondial de l’humanité). La pratique du canoë est par elle-même non polluante mais peut générer des nuisances qu’il s’agit de prévenir et le cas échéant d’éliminer ou de gérer. La durabilité des aménagements et le respect des espaces est à ce prix. Sur un plan plus général, il s’agit également de garantir la cohérence entre le cahier des charges lié au label « Grand Site de France » et l’accueil du public, tout en améliorant l’offre touristique. Pour en savoir plus, une adresse : le PETR Uzège-Pont du Gard, www.petr-uzege-pontdugard.fr – 046220507 dont le Livret « Donnez vie aux projets en Uzège-Pont du Gard » édité en 2018 est à la base des informations ci-dessus. Il est temps de vous intéresser à la mobilité européenne : Erasmus+ 2019 – encore plus de projets & de budget!
Début janvier 2019, la Commission européenne a validé une rallonge de budget pour l'appel à projets Erasmus+ 2019, bénéficiant à tous les secteurs et types d'actions, pour la mobilité comme les partenariats.
Cette rallonge budgétaire permettra un taux de sélection très favorable en 2019 et des opportunités étendues pour les porteurs de projets, particulièrement dans le secteur scolaire (+30% par rapport à 2018), l'éducation des adultes (+40%) et les partenariats de l'enseignement supérieur (+53%).
Les porteurs de projets ont jusqu'au 5 février pour déposer un dossier de candidature pour la mobilité (KA1) et jusqu'au 21 mars pour les partenariats (KA2).
Une nouveauté pour les collectivités territoriales en 2019 : elles peuvent coordonner des projets de mobilité Erasmus+ dans l'enseignement scolaire. C'est notamment un moyen pour elles de financer des jumelages grâce aux subventions Erasmus+.
Sont en particulier impactés :
mobilité des adultes (KA104): +94% par rapport au budget 2018
mobilité de l'enseignement scolaire (KA101) : +30%
partenariat de l'enseignement supérieur (KA203): +53%
Des fonds supplémentaires aussi sur :
partenariats de l'enseignement scolaire (KA201) et échanges scolaires (KA229): +28% par rapport à 2018.
mobilité de la formation professionnelle (KA102): +23%.
partenariat de la formation professionnelle (KA202) : +10%
mobilité de l'enseignement supérieur (KA103) : +17%
partenariat de l'éducation des adultes (KA204): +30.5%
Pour plus d’information : https://info.erasmusplus.fr/
la promotion des valeurs européennes conformément à l’article 2 du traité sur l’Union européenne.
L’Union européenne est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes.
L’euro fête ses 20 ans
L'euro a été créé le 1er janvier 1999 mais, dans le grand public, cela est passé inaperçu car il s'agissait alors d'une monnaie purement scripturale, utilisée seulement pour des règlements entre banques et institutions financières. Certes, les relevés de comptes bancaires, les étiquettes indiquaient déjà la contrevaleur en euros mais cette nouvelle monnaie n'avait pas de réalité tangible puisqu'on continuait à payer en francs, marks, lires, etc...
Ce n'est que le 1er janvier 2002 que nous avons utilisé des billets et des pièces en euro. C'est maintenant la monnaie officielle de 19 Etats membres de l'Union européenne (voir la carte ci-dessus) et de 6 Etats non membres (Andorre, Kosovo, Monaco, Monténégro, St Marin, Vatican); 3 devises européennes (couronne danoise, lev bulgare, franc suisse) sont liées à l'euro ainsi que les devises de plusieurs Etats africains (notamment le franc C.F.A.) et le franc C.F.P des territoires français du Pacifique.
Pratiquement en même temps que les 20 ans de l'euro (mais c'est une coïncidence), les Banques centrales des Etats de la zone euro cessent d'émettre des billets de 500 €, très utilisés en Allemagne, en Autriche ou au Luxembourg mais très peu dans les autres pays... et accusés de faciliter l'écoulement des profits de trafics illicites. Pas d'inquiétude si vous en avez: ils continueront à pouvoir être utilisés, mais au fur et à mesure de leur usure ils seront récupérés et détruits par les Banques centrales.
LES ANCÊTRES
Ce n'était pas la première fois qu'une monnaie commune était créée par plusieurs Etats souverains. Au XIXe siècle, la France de Napoléon III avait été à l'origine de la création (1865) de l'Union latine dont la monnaie commune était le franc français dit « franc germinal » car sa création puis sa valeur en or et en argent avaient été définies par deux lois votées en germinal (mars-avril) an III (1795) et an XI (1803).
Suite à une crise monétaire internationale (déjà), une convention monétaire (l'Union latine) avait été signée en 1865 par la Belgique, l'Italie, la Suisse puis la Grèce (1868). Un certain nombre de pays européens (Empire d'Autriche-Hongrie, Russie, Suède, Finlande, Roumanie, Espagne, Serbie, Bulgarie, Luxembourg ainsi que des colonies des pays membres et quelques pays d'Amérique latine) s'étaient ensuite ralliés au système. L'intercirculation des monnaies ne concernait que les pièces qui, à l'époque, étaient en or ou en argent ; il n'y avait pas de banque centrale commune. Ce système s'est effondré avec la Première guerre mondiale et l'inflation qui en a résulté.
Le franc C.F.A est un autre système monétaire supranational liant des Etats souverains. Un certain nombre d'anciennes colonies françaises d'Afrique, indépendantes depuis les années 1960, ont conservé l'ancienne monnaie coloniale (franc des colonies françaises d'Afrique). Le france CFA est désormais utilisé par huit Etats d'Afrique de l'Ouest (Communauté financière d'Afrique) et six Etats d'Afrique centrale (Coopération financière d'Afrique centrale). Le franc C.F.A, à l'origine lié par une parité fixe au franc français, l'est maintenant à l'euro.
LE LONG CHEMIN VERS L'EURO
Le projet d'une monnaie commune ou d'une monnaie unique dans la Communauté européenne remonte à loin.
Un point de vocabulaire : une monnaie commune ne remplace pas les monnaies nationales mais sert pour les échanges entre les pays adhérents ou encore d'unité de mesure; une monnaie unique remplace les monnaies nationales.
Les turbulences monétaires (années 60 à 80)
Les fondateurs de la Communauté Economique Européenne (C.E.E.) n’imaginaient pas, en 1957, créer une monnaie unique. A l'époque, le système monétaire international mis en place par les accords de Bretton Woods (1944) fonctionnait encore correctement. Mais les remous monétaires qui perturbèrent le fonctionnement du Marché commun à la fin des années 60 démontraient la nécessité d’une monnaie commune. Le long chemin vers cette monnaie commune a été jalonné par les étapes suivantes :
Le 15 novembre 1960, est créée l’Unité de Compte européenne (U.C.E.) dont la valeur est fixée à 0,888 g d’or, valeur identique au $ ; elle fut utilisée pour exprimer les prix agricoles et comptabiliser le budget des Communautés. En mars 1975 la valeur de l’U.C.E. fut redéfinie par un panier de 9 monnaies européennes (FRF, DEM, GBP, ITL, NLG, BEF, LUF, DKK, IEP).
Au Sommet de La Haye, décembre 1969, les six pays de la C.E.E. se donnèrent pour objectif l'Union économique et monétaire, pour approfondir le Marché commun. Un plan, proposé par le commissaire européen Raymond Barre, servit de travail préparatoire.
A partir de 1970, les Six organisèrent un soutien de leurs monnaies respectives contre les fluctuations désordonnées du marché des changes. En octobre 1970, le Plan Werner proposa de faire converger les économies nationales en vue de la monnaie unique à l'horizon 1980. Il fut remis en cause par l'instabilité des monnaies européennes. Le 21 mars 1972, le Serpent monétaire européen fut créé pour essayer de contrôler les fluctuations monétaires et le 3 avril 1973, fut constitué le Fonds Européen de Coopération Monétaire (F.E.CO.M.), permettant de défendre les parités contre la spéculation. Néanmoins, les turbulences monétaires eurent raison du Serpent. Le 13 mars 1979, la mise en place du Système monétaire européen (S.M.E.) donna à chaque monnaie un cours officiel de change par rapport à une nouvelle unité de compte commune, l'E.C.U. (European Currency Unit) qui remplaça l'U.C.E. Malgré des sorties intempestives de certaines monnaies, le S.M.E survécut aux assauts spéculatifs
En février 1986, l'Acte Unique inscrivit l'objectif de réalisation progressive de l'Union économique et monétaire (U.E.M.) ; ce devait être la clé de voûte du grand marché européen. Au 1er juillet 1990, la libre circulation des capitaux constitua la première étape de cette union.
Le 17 avril 1989, un Comité composé de gouverneurs des banques centrales et présidé par Jacques Delors, président de la Commission européenne, présenta un rapport préconisant la création d’une monnaie unique. Ce rapport sera approuvé par le Conseil européen de Madrid (juin 1989)
Le 7 février 1992, le traité de Maastricht précisa les critères de la convergence entre les économies nationales, préalable à la monnaie unique. Le Royaume-Uni et le Danemark obtinrent une exemption leur permettant de conserver leur monnaie nationale.
1994 - 1998 la phase préparatoire
Les gouvernements et les institutions communautaires préparèrent le passage à la monnaie unique; ce fut la phase de convergence des politiques économiques nationales.
Au plan monétaire, les préparatifs techniques furent assurés par l'I.M.E., Institut monétaire européen, créé en 1994 en tant qu’embryon de la future Banque Centrale Européenne et qui remplaça le Comité des gouverneurs des banques centrales. L’I.M.E. s’installa à Francfort pour rassurer les Allemands qui, ayant la monnaie la plus solide, étaient les plus réticents au changement de monnaie.
Une période de discussions s’ouvrit entre l’I.M.E., la Commission, les gouvernements, les banques centrales et le Conseil des Affaires économiques et financières ; elles portèrent notamment sur les critères de convergence, demandés par l’Allemagne mais critiqués par certains de ses partenaires parce que trop rigides. Les Etats, menacés de ne pas être sélectionnés en raison de leur déficit public et de leur endettement, durent mener des politiques de rigueur. Seul le Luxembourg réussit à respecter les critères de convergence pendant toute la phase préparatoire.
Les gouvernements européens durent consacrer par la loi l’indépendance de leurs banques centrales nationales, ce qui signifiait que les ministres des Finances renonçaient à influencer la fixation des taux d'intérêt directeurs.
La phase préparatoire fut marquée par les étapes suivantes :
Le Conseil européen de Cannes (26 & 27 juin 1995), devant la difficulté d’avoir un nombre suffisant d’Etats respectant les critères de convergence, exclut un passage à la monnaie unique pour le 1er janvier 1997 et reporta cette étape au 1er janvier 1999.
Sous la pression des Allemands, la dénomination d’ECU, peu satisfaisante en allemand, fut changée par le Conseil européen de Formentor à Majorque (22 et 23 septembre 1995) contre celle d’euro.
Les 13 et 14 décembre 1996, le Conseil européen de Dublin adopta un pacte de stabilité et de croissance prévoyant des sanctions financières contre les Etats qui ne respectent pas le critère de déficit public limité à 3% du P.I.B.
Le 2 mai 1998, le Conseil européen extraordinaire de Bruxelles, dressa la liste des 11 pays admis dans la zone euro: Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal.
Le 3 mai 1998, les Ministres des finances réunis en Conseil de l'Union européenne ECOFIN, arrêtèrent les taux de conversion bilatéraux entre les monnaies des Etats participants applicables à partir du 1er janvier 1999. Ils adoptèrent les dispositions réglementaires fixant le cadre juridique du passage à l'euro.
Le 1er juin 1998, fut créée la Banque centrale européenne, B.C.E., qui constitua avec les banques centrales nationales (par exemple la Banque de France) le Système européen de banques centrales (S.E.B.C.), chargé de veiller à la stabilité des prix et de mettre en œuvre la politique monétaire européenne.
Le 4 juin 1998, première réunion du Conseil de l'euro, réunissant les ministres des finances des 11 pays participant à l'euro.
1999 - 2001, la phase de transition
Au 1er janvier 1999, ce fut le véritable démarrage de l'Union économique et monétaire:
L'U.E.M. entra en vigueur et l'euro devint sa monnaie unique. L'écu fut remplacé par l'euro, 1 écu pour 1 euro. Le taux de conversion fut fixé irrévocablement entre l'euro et les monnaies nationales (1 euro = 6,55957 francs);
Un nouveau mécanisme de change européen lia à l'euro les monnaies des pays de l'Union européenne ne participant pas encore à la zone euro;
Les milieux financiers adoptèrent les premiers l'euro ; à partir du 4 janvier 1999, les transactions se firent en euros sur les marchés de capitaux. L'euro fut coté par rapport aux autres monnaies, dollar, yen et monnaies des pays européens hors zone euro.
La période 1999-2001 fut une période transitoire pour les entreprises, administrations et particuliers qui passèrent progressivement à l'euro, selon des plans nationaux. Le plan français se déroula comme suit :
A l’automne 2001, les distributeurs automatiques de billets furent adaptés et en décembre, les commerçants furent approvisionnés en euros pour pouvoir rendre la monnaie dès janvier 2002.
En France, à partir du 15 décembre 2001, les particuliers qui souhaitaient se familiariser avec les pièces en euros, se virent proposer des "kits euro" proposant 40 pièces pour un montant de 100 francs (15,24 euros).
Le 31 décembre 2001 fut la date limite d'utilisation des monnaies nationales sous leur forme scripturale (chèques, virements, opérations par carte bancaire, avis de prélèvement, télépaiement...).
2002 l'achèvement du passage à l’euro
Le 1er janvier 2002, les billets et les pièces en euro furent mis en circulation, parallèlement aux pièces et billets nationaux (en France jusqu'au 17 février 2002). Les particuliers purent continuer à échanger leurs francs contre des euros auprès des banques jusqu'au 30 juin 2002. Au-delà, le Trésor Public et la Banque de France acceptèrent d'échanger les pièces pendant 3 ans et les billets pendant 10 ans. Tous les paiements sous forme scripturale se firent exclusivement en euros à partir du 1er janvier 2002 et les comptes bancaires furent convertis, sans frais pour le client. Cette transition historique a été une réussite technique.
2007: DEBUT DE LA CRISE FINANCIERE ET RENFORCEMENT DE LA ZONE EURO.
La crise de 2007 a montré les failles de l'eurozone. Différents projets ont été mené plus ou moins à bien pour la renforcer, malgré les divergences d'appréciation entre les Etats « vertueux » de l'Europe du Nord et les Etats « laxistes » du Sud : mise en place d'une surveillance des budgets des Etats membres, création du Mécanisme européen de stabilité et du Fonds européen de stabilité financière pour secourir les Etats en difficulté, renforcement du Pacte de stabilité et de croissance et Pacte pour "l'euro plus". D'autre part, il est apparu qu'il fallait mieux surveiller les banques européennes d'où la création d'une Union bancaire. Un budget (bien modeste) de la zone euro devrait voir le jour tandis qu'un projet de véritable gouvernement de la zone euro revient régulièrement sur le tapis.
ZONE EURO (OU EUROLAND) : PAYS AYANT L'EURO COMME MONNAIE
C’est une zone monétaire regroupant 19 pays membres de l’U.E participants à l’euro, désignés par une décision du Conseil en mai 1998 : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal (11 pays) ou ayant accédé depuis : Grèce (2001), Slovénie (2007), Chypre et Malte (2008), Slovaquie (2009), l'Estonie (2011), Lettonie (2014) et Lituanie (2015). La Bulgarie pourrait être le prochain membre.
L’euro a également cours :
Dans des micro-Etats qui partageaient la même monnaie que leur grand voisin : Monaco, Andorre, St Marin et Vatican.
Dans les départements français d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Mayotte, Guyane, Réunion), les collectivités françaises d’outre-mer (St Barthélemy, St Martin, St Pierre & Miquelon), les territoires portugais (Madère, Açores) et espagnols (Canaries).
Au Monténégro et au Kosovo qui avaient choisi le deutsche mark pour se prémunir contre la dépréciation du dinar yougoslave et adoptèrent “ de facto ” l’euro comme monnaie.
AVANTAGES ET INCONVENIENTS DE L’EURO
La monnaie unique fait l'objet depuis l'origine de polémiques virulentes entre adversaires et partisans.
Les détracteurs pointent les inconvénients suivants :
L’euro entraîne la perte de la souveraineté monétaire et au-delà, la perte de souveraineté économique, obligeant les Etats membres à caler leur politique sur l’Etat le plus puissant (en l’occurrence l’Allemagne).
En cas de crise économique grave chez eux, les Etats sont dépourvus de moyens de lutte. Ils ne peuvent pas utiliser l’arme de la dévaluation, ni jouer sur les taux d'intérêt. Le budget de l’Union étant relativement peu important (1% du PIB total européen), il ne lui est pas possible d’aider un pays ou une région victime d’un choc économique asymétrique. La crise et la période de récession qui ont affecté la Grèce montrent la limite des moyens d’actions de l’Union européenne et de la solidarité entre pays membres de l’Eurozone.
Les économies des pays membres de la zone euro n'ont pas encore assez convergé (taux de croissance et d’inflation différents) ce qui ne fait pas de la zone euro une zone monétaire optimale pour le moment.
Le Pacte de stabilité introduit une rigidité dans la gestion des finances des pays membres empêchant une relance de type keynésien (relance par la demande). Ce pacte a d’ailleurs dû être amendé et interprété d'une manière souple.
En l’absence d’un pouvoir politique européen fort, la monnaie unique n’est pas un instrument de puissance.
L’introduction de l’euro s’est traduite, pendant un premier temps, par une perte de repères des consommateurs et une hausse de certains produits de consommation, les commerçants profitant de cette perte de repères pour faire « valser » les étiquettes. Certes, les statistiques ne le démontrent pas mais les consommateurs l'ont ressenti comme tel.
Certains pays européens, qui ont fait le choix de ne pas adopter l’euro, s’en sortent mieux sur le plan économique car ils gardent l’instrument monétaire à leur disposition. Mais l’inverse se vérifie également.
Au chapitre des avantages, on trouve les arguments suivants :
La disparition des frais de change favorise les échanges et le tourisme entre les pays de la zone euro; les comparaisons de prix sont désormais très faciles.
Les dévaluations "compétitives" grâce auxquelles les Etats laxistes se redonnaient une marge de manœuvre (provisoire) au détriment des Etats rigoureux sont désormais impossibles. Certains pays, qui avaient la réputation de mener une politique monétaire laxiste, doivent désormais respecter le Pacte de stabilité et de croissance.
La gestion d’une monnaie unique oblige les pays membres de la zone euro à accentuer la coordination de leurs politiques économique, budgétaire, fiscale et même sociale, ce qui aura pour conséquences une progression de l’intégration européenne.
Quant à la perte de la souveraineté monétaire, elle était, pour certains pays (dont la France), antérieure à la création de l’euro puisqu'ils liaient leur monnaie au deutschemark.
Les taux d’intérêt ont baissé à des niveaux que certains pays de la zone euro n’avaient jamais connus. Cela a permis de baisser considérablement la charge des dettes publiques et privées.
L’euro a protégé les Etats membres et leurs citoyens de turbulences monétaires que n’auraient pas manqué de créer les différentes crises internationales. La politique audacieuse de la B.C.E depuis la crise de 2007 nous a épargné une récession profonde.
L’euro est un symbole fort et tangible de l’Union européenne.
L’euro commence à battre en brèche la suprématie du dollar dans les transactions internationales et prend une part croissante (actuellement 20%) des réserves des banques centrales du monde entier.
Cette extraordinaire construction mérite d'être consolidée par l'achèvement de l'Union bancaire, la transformation du Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen et la mise en place prévue d'un budget de la zone euro pour compenser les trous d'air en cas de crise. D'ailleurs, les partis populistes, lorsqu’ils arrivent au pouvoir dans un pays de l'Eurozone, abandonnent (ou « diffèrent ») leur projet de rétablissement d'une monnaie nationale. En effet, les Européens n'ont guère envie de se retrouver avec une monnaie instable dans leur poche et une inflation qui ronge leur pouvoir d'achat. En effet, la longue période des dévaluations dites "compétitives" qu'ont connue certains pays (dont la France) avant l'euro a montré que ce n'étaient que des remèdes fugaces qui masquaient peu de temps les problèmes durables de compétitivité économique.
Retour sur la Coupe du monde de football 2018: un événement très européen!
Excès d'orgueil des Européens, au motif que les demi-finales (Angleterre-Croatie et Belgique-France) et la finale (Croatie-France) ont été entre équipes européennes?
Il y a une autre raison.
Des 22 joueurs qui sont entrés sur le terrain pour la finale:
- les 11 joueurs croates jouaient tous habituellement dans des clubs d'autres pays d'Europe: 4 en Italie, 3 en Espagne, 2 en Angleterre, 1 dans un club "français" (Monaco, il participe au championnat de France) et 1 en Turquie (la Turquie participe à la Coupre d'Europe de football)
- 10 des 11 joueurs français jouaient aussi dans des clubs d'autres pays d'Europe: 4 en Angleterre, 4 en Espagne, 1 en Allemagne et 1 en Italie. Seul Kylian Mbappé joue dans un club français.
Des joueurs sont entrés sur le terrain en cours de match:
- pour la Croatie: 2 joueurs, tous les deux dans des clubs allemands
- pour la France, 3 joueurs, 1 d'un club allemand, 1 d'un club espagnol et 1 d'un club français (Lyon).
Qu'en conclure? Que le "marché" (le fameux "mercato"...) des joueurs de football professionnels est très largement ouvert dans l'espace européen.
Normal direz-vous: c'est une application des quatre libertés de circulation à l'intérieur de l'Union européenne: circulation des personnes, des capitaux, des services et des travailleurs citoyens européens. Or les joueurs professionnels sont légalement des "travailleurs" puisqu'ils sont employés par leurs clubs...
Pourtant jusqu'en 1995 les Fédérations de football des pays européens limitaient le nombre de joueurs étrangers qu'un club professionnel pouvait aligner pour un match de 1ère division: 3 joueurs étrangers + 2 autres joueurs étrangers "ayant joué pendant une période continue de 5 ans dans un club du pays de la Fédération nationale concernée".
C'est un joueur belge, Jean-Marc Bosman, qui a contesté à la fois cette limitation et les règles appliquées jusque-là aux transferts de joueurs d'un club à un autre. Ce joueur, pourtant en fin de contrat avec le club de Liège, se voyait refuser un transfert vers un club français, le club de Liège exigeant du club français une indemnité que ce dernier jugeait au-dessus de ses moyens. Un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, dit "arrêt Bosman", lui a donné raison, le 15 décembre 1995.
Depuis lors les clubs européens peuvent recruter sans limites des joueurs professionnels citoyens de l'UE, et la France est un "exportateur" important de joueurs... et la Croatie aussi.
Pourquoi autant de joueurs français vont-ils dans des clubs d'autres pays européens? Simplement parce que ces clubs leur offrent des salaires encore plus élevés (et même stratosphériques!) que les clubs français. D'où vient l'argent? Pour la plus grande partie, des droits de diffusion des matchs achetés par les chaïnes de télévision.
Vous ne pensiez pas qu'un joueur gagnant des millions d'€ par an était un "travailleur"? Il l'est au sens du droit du travail...
Pour terminer sur une note plus altruiste: depuis trois ans le club amateur belge Royal Kraainem (près de Bruxelles) accueille et entraîne dans ses équipes des migrants mineurs non accompagnés, le roi de Belgique est venu afficher son soutien à cet accueil en octobre 2018. Ce club n'est sans doute pas le seul parmi les innombrables clubs amateurs de l'Union européenne.
Présidence semestrielle du Conseil de l’UE : la Roumanie en première ligne
En ce début d’année, c’est un nouveau semestre de présidence du Conseil de l’UE qui s’engage. C’est la Roumanie qui s’y colle, selon le « tourniquet » dont le programme est fixé jusqu’en 2030. Un nouveau calendrier sera-t-il établi à cette date? Après plusieurs tentatives, cette présidence semestrielle tournante n’a pas été supprimée. Sans doute comporte-t-elle quelques vertus, même si elle semble à première vue plutôt compliquer les choses. On en reparlera d’ici là...
Pour l’heure la Roumanie, qui connaît en interne des turbulences notables (on a envie de dire « bienvenue au club… ») que son gouvernement semble vouloir régler en passant en force, affiche comme priorités de ce semestre de présidence:
une Europe de la convergence,
une Europe plus sûre,
une Europe acteur mondial de premier plan
une Europe des valeurs communes.
Beau programme ! Pour le réaliser, une série de réunions et de manifestations est prévue. Le calendrier est assez touffu, on peut le découvrir (en anglais) sur: consilium.europa.eu/media/37255/romanian-presidency-draft-calendar_181203.pdf. L’avenir nous dira dans quelle mesure ces rencontres et autres sessions auront été efficaces. Dans cet esprit, nous inviterons à Nîmes des représentants de la Roumanie en France, comme nous le faisons chaque fin de semestre, pour présenter le bilan de leur présidence. Un contact a été pris dès à présent pour préparer cette rencontre fin juin ou peut-être début juillet 2019.
On se souvient aussi que le principe du « trio » continue de fonctionner (l'appellation précédente, "troïka", a dû paraître déplaisante à la longue, surtout en considération des efforts que déploie l’actuel président russe pour désunir les Européens…). Selon ce principe, le pays assurant la présidence fait partie d'un trio d'Etats qui fixent en commun des priorités pour une période de 18 mois: voir consilium.europa.eu/fr/council-eu/presidency-council-eu. Le trio actuel: Roumanie, Finlande et Croatie. La Roumanie a succédé à l'Autriche, qui faisait partie du trio précédent; l’Ambassadeur d'Autriche, qui s'était dit disposé à venir à Nîmes fin 2018, n’a pas pu confirmer sa venue, mais le principe en est acté pour la deuxième quinzaine de février, date à préciser. Nous en reparlerons.
Un coup d’œil sur le programme complet du « tourniquet » jusqu’en 2030, fixé par une décision du Conseil de juillet 2016 (eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016D1316&from=FR) indique que la France assurera la présidence au premier semestre 2022, semestre électoral crucial en France (présidentielle et législatives)! Espérons que quelqu’un tirera la sonnette d’alarme d’ici là.
Pour finir, rappelons les tâches spécifiques de la présidence semestrielle du Conseil de l’UE :
1. Planifier et présider les sessions du Conseil de l'UE et les réunions de ses instances préparatoires
2. Représenter le Conseil dans les relations avec les autres institutions de l'UE.
Attention : cette présidence semestrielle du Conseil de l’UE ne doit pas être confondue avec le "semestre européen", créé en 2010 pour coordonner les politiques économiques et budgétaires des États membres de l'UE, afin d'en maximiser l’efficacité, dans un esprit de gouvernance commune. Quelque chose qui n’a rien d’un gadget, qui contribue à coup sûr, malgré toutes les limites et contraintes que l’on devine aisément, à atténuer les effets d'une crise pour les Européens (ce n’est pas par hasard que l’idée est née en 2010, après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne et en pleine crise financière). Et qui, au passage, est à considérer comme un des nombreux dispositifs peu connus du grand public qui sont, de fait, une forme de fédéralisme peu visible et pourtant efficace. Nous y reviendrons dans un prochain numéro de la Lettre Europe.
Brexit: dernière ligne droite? plutôt sinueuse!!
23 juin 2016. Par referendum, les citoyens du Royaume-Uni votent à une courte majorité pour que le Royaume-Uni quitte l'Union européenne.
Royaume-"Uni"? pas si uni que ça: l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du nord ont tous voté pour le maintien dans l'Union européenne, sans parler de Gibraltar!!
Le premier ministre, David Cameron, démissionne: il a été l'initiateur de ce vote et défendait le maintien dans l'UE. Theresa May, elle aussi personnellement favorable au maintien mais qui n'avait pas fait campagne, est désignée chef du parti conservateur et devient première ministre. Elle était jusque-là secrétaire d'Etat à l'intérieur.
29 mars 2017. Après 9 mois de tergiversations, le gouvernement de Theresa May demande officiellement l'activation de l'article 50 du Traité de l'UE, qui régit les conditions de négociation de sortie de l'UE pour un Etat membre. Cela lance les négociations entre le Royaume-Uni et l'UE, qui normalement doivent être terminées dans une période de 2 ans, pour une sortie de l'UE le 29 mars 2019.
8 juin 2017. Pensant asseoir sa majorité et moins dépendre des partisans d'une sortie brutale de l'UE, Theresa May provoque des élections législatives anticipées... dont elle sort affaiblie! Elle ne doit sa majorité qu'à une alliance avec un petit groupe de députés unionistes d'Irlande du nord, farouches défenseurs d'une Irlande du nord partie intégrante du Royaume-Uni, sans rien qui puisse la différencier du reste du Royaume-Uni.
Le Parlement exige - et obtient - de voter sur l'accord de sortie qui sera négocié avec l'UE.
13 novembre 2018. Theresa May et l'UE signent un accord de sortie, après de longues discussions sur la question d'une frontière douanière entre le Royaume-Uni et l'UE , que longtemps l'UE a proposé de mettre en mer d'Irlande (entre l'île d'Irlande et l'ensemble Angleterre - Ecosse - Pays de Galles), pour éviter la réapparition d'une frontière physique et de contrôles des véhicules entre la République d'Irlande et l'Irlande du nord: d'une part les économies de ces deux territoires sont aujourd'hui très imbriquées, d'autre part il faut éviter tout ce qui pourrait réactiver une guerre civile en Irlande du nord. Finalement l'accord contourne cette question en prévoyant que le Royaume-Uni reste provisoirement dans le Marché unique... jusqu'à un accord définitif sur ce point.
Janvier 2019. Le vote sur l'accord de sortie qui était prévu en décembre est reporté au 15 janvier, Theresa May sentant qu'elle ne trouverait pas de majorité en décembre.
Las, le 15 janvier l'accord est rejeté par deux tiers des députés! Dans le propre parti conservateur de Theresa May, 118 députés sur 314 ont voté contre. En outre peu avant ce vote les députés ont adopté un amendement obligeant la première ministre, en cas de vote négatif, à présenter un "plan B" (projet de rechange) dans les 3 jours suivant le vote! Un camouflet suivi d'une claque... Theresa May ne démissionne pas et reste à la barre d'un navire qui ressemble de plus en plus à un bateau ivre. Il faut d'ailleurs saluer son courage.
L'Union européenne, de son côté, se dit fermée à toute modification de l'accord de sortie signé après 17 mois de négociations difficiles.
Evidemment Theresa May n'a pas de plan B tout prêt et ne peut que s'engager auprès des députés britanniques à retourner auprès de l'Union européenne pour essayer d'obtenir quelques modifications de l'accord de sortie... pendant ce temps-là le chronomètre tourne et le 29 mars se rapproche.
Et maintenant?
C'est l'impasse apparente, avec la perspective d'une sortie sans accord, dont personne ne veut (tout le monde y perdrait beaucoup) mais dont tout le monde dit s'y préparer activement "au cas où".
Alors, se donner encore un peu plus de temps pour trouver une issue? Un report de la date du 29 mars n'est pas impossible à condition que le Royaume-Uni le demande et que les 27 autres Etats de l'UE donnent leur accord à l'unanimité.
Mais il y a une limite: entre le 23 et le 26 mai (tous les Etats ne votent pas le dimanche) les citoyens de l'UE élisent les députés européens. Il est évidemment prévu que le Royaume-Uni ne prenne pas part au vote et les 73 sièges laissés vides par le départ prévu des députés britanniques ont été en partie annulés au moins provisoirement (le nombre total des députés européens sera réduit de 751 à 705) et en partie redistribués à d'autres Etats membres dont la population le justifie (pour la France le nombre passe ainsi de 74 à 79).
Juridiquement, si le Royaume-Uni n'avait pas quitté l'UE plusieurs semaines avant les élections européennes (le dépôt des candidatures est prévu en France du 23 avril au 3 mai), il faudrait qu'il vote et élise des députés européens... sur siège éjectable à court terme! Une situation ubuesque inenvisageable...
Alors?
Organiser un nouveau referendum? Pour le moment Theresa May rejette cette idée et on peut la comprendre: pourquoi pas ensuite un 3ème ou un 4ème, au gré des variations de l'opinion?
Renégocier certains points de l'accord de sortie, sous la pression du temps? Par exemple un accord a minima, du type "union douanière"? Tout ce qu'on peut dire: c'est la partie qui aura le plus envie d'aboutir qui fera la première des propositions!
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