Fiscalité : quelles règles communes dans l’Union européenne ?
Bientôt le moment de préparer sa déclaration de revenus… Apparemment aucune relation avec l’Union européenne. Qu’en est-il ?
Si la politique fiscale est largement de la compétence des États membres, il y a néanmoins des règles communes au niveau européen. La fiscalité directe reste principalement de la compétence des États membres. La fiscalité indirecte, elle, relève très largement de la compétence de l’UE car elle concerne le marché unique : elle touche à la libre circulation des marchandises et des prestations de services.
A l’échelle européenne, l’adoption d’une législation fiscale commune requiert l’unanimité des voix au Conseil de l’UE. Chaque État dispose donc d’un droit de veto sur tout projet portant sur la fiscalité et affectant les ressources propres de l’UE : on avait ainsi vu la Pologne bloquer longtemps l’accord permettant à la France d’abaisser à 10 % la TVA sur les repas au restaurant, dans les années 2000.
Quelle politique européenne en matière de fiscalité indirecte ?
Pour éviter des différences trop importantes dans les taux de TVA qui pourraient fausser les échanges au sein du marché européen, un minimum de 15 % pour le taux normal existe depuis janvier 1993. Au-delà de ce seuil, les États membres sont libres de fixer leur taux de TVA, et peuvent également prévoir des taux réduits pour certaines activités ou certains produits et services ; la directive TVA liste ces produits ou activités à possibilité de taux réduit.
La France a par exemple opté pour un taux de TVA normal à 20 % et plusieurs taux réduits : 10 % pour les musées ou la restauration, 5,5 % pour les produits alimentaires, les livres ou les billets de cinéma, 2,1 % pour les médicaments remboursables ou la presse.
Autre composante de la fiscalité indirecte au niveau européen : les droits d’accise. L’accise est une taxe prélevée sur certains produits en fonction de la quantité vendue ou utilisée. Comme pour la TVA, l’UE a fixé des taux minimaux pour les droits d’accise appliqués par les États membres, afin d’éviter que les échanges au sein du marché unique ne soient faussés. Les pays de l’UE sont tenus d’appliquer des droits d’accise sur les mêmes produits, notamment l’alcool, les tabacs manufacturés et les produits énergétiques.
Quelle politique européenne en matière de fiscalité directe ?
La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a admis qu’une harmonisation en matière de fiscalité directe était possible sur la base de l’article 115 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’UE) : “Le Conseil de l’UE, statuant à l’unanimité conformément à une procédure législative spéciale, et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête des directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur”. Des règles européennes existent ainsi pour éviter la double imposition des sociétés, harmoniser la fiscalité de l’épargne ou encore lutter contre la fraude fiscale.
En juin 2016, une directive relative à l’évasion fiscale a été adoptée, pour empêcher les entreprises de diminuer leurs charges fiscales en profitant des écarts de législation entre les pays (membres de l’UE ou tiers). Selon ce texte européen, les revenus transférés par les entreprises dans des pays caractérisés par leurs faibles taux d’imposition où elles n’exercent pas d’activité économique réelle doivent être taxés par les États membres. Cela est appliqué par les pays de l’UE depuis janvier 2019.
En février 2021, une majorité d’États membres se sont déclarés favorables à un “rapport public pays par pays” proposé par la Commission européenne en 2016. Cela obligerait les entreprises réalisant plus de 750 millions d’€ de chiffre d’affaires par an à publier leurs revenus, leurs bénéfices, leurs effectifs et leurs impôts payés dans chaque pays où elles sont présentes. Le but est d’accroître la transparence fiscale des sociétés et d’établir plus clairement si les impôts qu’elles paient dans un État correspondent à l’activité économique qu’elles y exercent. De quoi renforcer la pression de l’opinion sur les mauvais élèves, tels que les Gafa, régulièrement épinglés pour leurs pratiques fiscales en Europe.
Enjeux et perspectives
Plusieurs chantiers sur la fiscalité sont ouverts au niveau européen, certains depuis plusieurs années.
C’est le cas tout d’abord du projet sur l’impôt sur les sociétés. Un projet initial d’assiette commune a finalement été mis de côté, la Commission européenne préparant depuis 2021 un nouveau cadre pour l’imposition des entreprises. Ce cadre doit “instaurer un ensemble commun de règles qui permettent aux entreprises de l’UE de calculer, à partir d’une formule, leur base imposable tout en garantissant une répartition plus efficace des bénéfices entre les pays”. La proposition devrait être publiée au 3ème trimestre 2023.
Le principe de règles communes a connu une impulsion nouvelle ces dernières années avec des révélations (Luxleaks et autres Panama papers) sur les pratiques d’évitement fiscal de multinationales, par des accords fiscaux avantageux (“rescrits fiscaux”) passés avec des pays y compris membres de l’UE comme le Luxembourg, l’Irlande ou les Pays-Bas. Cela a mis en lumière une importante concurrence fiscale entre les pays de l’UE.
La Commission s’est déjà attaquée à ces pratiques, sous l’angle de la concurrence (notamment en infligeant des amendes pouvant atteindre plusieurs milliards d’€ à des géants du numérique américains), estimant qu’elles étaient des aides d’État déguisées, interdites par le droit européen.
Une taxe spécifique aux géants du numérique (ou taxe Gafa) a également été envisagée, motivée par les comportements d’« optimisation fiscale » (mots pudiques...) adoptés par ces entreprises. Cependant, elle s’est heurtée à l’opposition de certains États membres qui proposent eux-mêmes des dispositifs fiscaux avantageux, comme l’Irlande. L’Allemagne, le Danemark, la Suède et la Finlande craignaient en outre des représailles américaines.
L’UE a donc accordé la priorité à un accord international sur la fiscalité dans le cadre de l’OCDE. Le deuxième volet de cet accord vise à garantir l’application d’un taux d’imposition minimum de 15 % aux entreprises multinationales ayant un chiffre d’affaires annuel cumulé d’au moins 750 millions d’€. La directive qui permettra de transposer l’impôt minimal mondial dans l’UE a été approuvée le 15 décembre 2022 et devrait entrer en vigueur fin 2023. Les géants du numérique seront bien sûr concernés par cette nouvelle taxation.
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Pour s’attaquer à l’optimisation et l’évasion fiscales des entreprises et des particuliers, depuis fin 2017 la Commission européenne publie une liste européenne des paradis fiscaux, actualisée deux fois par an.
Dans le contexte du budget 2021-2027 de l’UE, la création de taxes européennes dans plusieurs domaines est sur la table, pour augmenter les ressources propres de l’Union afin de financer en partie le plan de relance de 750 milliards d’€. Une taxe sur le plastique non recyclé est ainsi entrée en vigueur le 1er janvier 2021 : les États membres versent cette taxe à l’UE pour chaque kg de plastique non recyclé (actuellement 0,80 €/kg). Deux nouvelles mesures devraient aussi dégager des ressources financières pour l’UE : la réforme du marché du carbone (marché des émissions de CO2) et la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE (taxe carbone), qui ont fait l’objet d’un accord en décembre 2022.
Quant à la taxe sur les transactions financières (TTF), souvent appelée taxe Tobin, elle est en discussion depuis 2010 et a été mise en place par certains États membres, dont la France, mais sa généralisation à l’UE se heurte à l’opposition de plusieurs États membres.
Source principale : touteleurope.eu
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