Covid 19 en Europe : où en est-on ?
Il est courant, encore aujourd’hui, d’entendre, ou de lire, que l’Europe n’a pas su « coordonner » la réponse à l’épidémie, et que chaque pays fait face à sa manière. Nous avons déjà démontré que la première partie de cette phrase est inexacte, et que des formes de coordination des réponses et d’harmonisation des données ont été mises en place dès les premières semaines ; mais bien entendu ce ne sont pas les informations les plus attractives, ni les plus faciles à expliquer par les médias : elles passent donc souvent à la trappe.
Quant à la deuxième idée, elle n’a pas grand sens. En effet, comment pourrait-il en être autrement ? Et que n’aurait-on pas dit si des mesures générales et uniformes avaient été décrétées pour l’ensemble des 27 pays par une quelconque « autorité sanitaire européenne », (qui du reste n’existe pas) alors même que les situations étaient si différentes, à la fois dans le temps et dans l’espace ?
Donc, oui, les États ont fait face chacun à leur manière, tout en s’inspirant fortement de ce qui marchait ailleurs, mais pour l’essentiel à partir de trois séries de facteurs :
- l’état du système de santé, son organisation, et la « culture sanitaire » de chaque pays ;
- les choix des gouvernants, reflets de leurs orientations politiques et du système institutionnel ;
- le degré effectif de propagation du virus, qui a pu varier dans des proportions importantes d’un pays à l’autre, voire d’une région à l’autre, sans explication probante.
Aussi, même si l’heure n’est pas au bilan, lequel supposerait que l’épidémie soit terminée et exigerait bien d’autres compétences, n’est-il pas sans intérêt de voir comment ces différents éléments se sont combinés en Europe, et ce qui en résulte en termes de nombre de décès. Nous savons que ce chiffre ne rend pas compte à lui seul ni de la réalité de l’épidémie à l’instant T, ni de sa dynamique. Il donne néanmoins une photographie de la situation, et permet peut-être de se faire une idée de son évolution ici ou là dans les semaines à venir.
Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer pour ce faire sur un outil qui n’a pas fini de démontrer son utilité, et qui préfigure une Europe de la santé certes balbutiante, mais qui, de fait, existe déjà ; cet outil, c’est le Centre européen de Prévention et de contrôle des maladies (en anglais ECDC (European Centre for Disease Control) dont il a déjà été question dans la Lettre Europe.
Ce Centre, basé à Stockholm, nous donne entre autres des statistiques fiables et régulièrement actualisées sur la propagation du virus, dont le nombre de décès spécifiquement liés à l’épidémie. Avec un petit effort de calcul, on peut rapporter ce chiffre à la population totale du pays et en tirer un indicateur : celui du nombre de décès par million d’habitants au 1er septembre. Cela donne le tableau suivant (source : https://www.ecdc.europa.eu/en/geographical-distribution-2019-ncov-cases) :
Ce tableau peut d’ailleurs être rendu encore plus parlant sous forme de graphique (établi par nos soins) :
On le voit, la situation est très contrastée et si plusieurs pays ont été gravement affectés (dont la France), d’autres, où on se serait parfois attendu à une catastrophe majeure, sont passés entre les gouttes ; jusqu’à présent en tout cas : précision indispensable.
Ainsi de la Grèce, de la Croatie, de Malte, où les arrivées régulières de migrants n’ont sans doute pas manqué d’impacter le système sanitaire ; sans parler des flux touristiques, qui n’ont été que partiellement réduits pendant l’été (voir l’exemple de la Croatie : https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-en-pleine-periode-touristique-la-croatie-impose-de-nouvelles-restrictions?id=1056252); et pourtant…
Il en va sans doute autrement des États riverains de la Baltique, peu touchés (sauf la Suède) parce que plus éloignés des grands courants de circulation du virus au début de la pandémie ; même si, à l’évidence, les mesures rigoureuses et précoces prises dans ces pays ont aussi joué leur rôle.
En Italie même, l’épidémie a surtout frappé les régions du Nord, épargnant plus ou moins l’ensemble du Sud de la botte et la Sicile, pourtant très exposées, comme on le voit sur cette carte (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pand%C3%A9mie_de_Covid-19_en_Italie) même s’il ne s’agit que des cas confirmés cumulés au 1/9 et non des décès:
Tous ces éléments apparaissent clairement sur cette autre carte ci-dessous, elle aussi régulièrement mise à jour, et autre donnée précieuse fournie par le Centre européen de Stockholm : le nombre de cas de COVID 19 pour 100 000 habitants déclarés en Europe au cours des deux semaines 31 et 32 (27 juillet au 9 août); les différences régionales dans un même pays y apparaissent clairement.
Partant de cette situation contrastée, lorsqu’on poursuit sa recherche pays par pays, on découvre des choses assez surprenantes qui, dans l’ensemble, pourraient conduire à « relativiser » la pandémie -réflexe sans doute dangereux et donc à exclure.
On découvre ainsi que deux pays au moins ont carrément « décrété » la fin de la pandémie.
La Slovénie d’abord, et cela dès le 15 mai, ce qui peut sembler après coup un peu hasardeux. Mais le fait est que le faible chiffre semble, 3 mois et demi plus tard, donner raison aux autorités… pour l’instant du moins : précision de rigueur (source : https://www.lci.fr/international/coronavirus-covid-19-pandemie-la-slovenie-decrete-la-fin-de-l-epidemie-sur-son-sol-une-premiere-au-sein-de-l-ue-2153908.html).
La République Tchèque ensuite, sous une forme un peu différente, a « célébré » la fin (sic) de l’épidémie dès le 30 juin (source : https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-un-banquet-geant-en-republique-tcheque-malgre-l-epidemie_4029721.html). Là encore, annonce peut-être un peu précipitée puisque le Gouvernement rétablit l’obligation du masque au 1er septembre, ce qui semble indiquer que même ce pays, relativement peu touché (au prix d’une fermeture rapide et presque brutale de ses frontières dès le mois de mars, on s’en souvient) n’est quand même pas complètement tiré d’affaire.
Continuer ce tour d’horizon européen serait certainement passionnant mais dépasse le cadre de cet article. L’idée était seulement de rendre disponibles des informations à caractère général qui pourraient presque nous rassurer, puisque la mortalité générale en Europe représente, extrapolée sur 12 mois, 0,54/1000, soit le vingtième de la mortalité habituelle : à peine plus que l’épaisseur du trait. Mais nous avons aussi appris à nous méfier de ce virus qui a plus d’un tour dans son sac.
Pour en revenir à la question de départ, qui est celle d’une coordination à l’échelle européenne des réponses à la pandémie, réputée insuffisante ou même absente, notons avec satisfaction mais sans surprise, la connaissant, cette information toute récente : Angela Merkel veut précisément proposer aux 27 pays membres d’harmoniser dans l’Union européenne les restrictions liées à la pandémie, et ce sur la base d’une « carte sanitaire » européenne pour laquelle le Centre européen de Stockholm aura, n’en doutons pas, tout son rôle à jouer (voir: https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/covid-19-l-allemagne-souhaite-harmoniser-les-restrictions-dans-l-union-europeenne-6954345). Gageons qu’elle sera suivie !
Qui a dit que l’Europe était impuissante ?
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