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Connaissez-vous la BCE ?

La Banque Centrale Européenne ? Bien sûr, tout le monde connaît. Sauf qu’en l’occurrence il s’agit dans ce titre de la Banque des Citoyens Européens (1). Quel est le lien avec la BCE stricto sensu -parce qu’il y en a un ? Tout simplement la volonté de quelques acteurs aussi attachés à défendre les progrès d’une Europe fédérale en devenir qu’à veiller à ce que ces avancées soient aussi démocratiques que possible : pour nous, au MEF, quoi de plus louable ?

Or la plus grande avancée fédérale de ces 30 dernières années dans l’UE, c’est bien la BCE, et surtout sa montée en puissance après la crise financière de 2008, puis depuis le début de la crise sanitaire. En Europe même l’euro s’est consolidé, sur la scène internationale il s’est affirmé, et quant au mandat de la BCE, il s’est élargi de fait grâce à la lucidité de ses trois derniers présidents, Jean-Claude Trichet, Mario Draghi, aujourd’hui Christine Lagarde.


Oui mais : les citoyens là-dedans ? C’est la question que se sont posée l’Institut Veblen (2), Positive Money Europe (3), Greentervention (4) et Particitiz (5), et la réponse a pris la forme d’une plateforme électronique ouverte à tous les Européens, soutenue par la Commission européenne (6), et ancrée dans cinq pays (France, Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Italie). Cette dimension d’emblée transnationale explique, au risque de nous agacer, la tentation des anglicismes. La liste exhaustive des organisations qui ont rejoint l’initiative va d’ailleurs dans le même sens (7), mais dans le cas présent ce n’est sans doute pas le plus important.


Plateforme, qu’est-ce à dire ? Ce terme vague recouvre bien des réalités, parfois pernicieuses (les réseaux sociaux, dont on connaît les vertus et les travers, sont aussi des « plateformes »), parfois simplement évanescentes. Au cas présent, il s’agit de mettre en œuvre un programme à la fois concret et ambitieux : planifier dans chacun des 5 pays concernés, entre le 19 avril et le 31 mai, 5 visio-conférences. Le but de ces manifestations virtuelles est d’interpeller la BCE (la vraie, cette fois), en rassemblant les questions des participants, et leurs réactions à des points de vue d’experts, assez divers pour qu’un vrai débat ait lieu, et assez convergents pour que la visée d’une Europe plus forte et plus solidaire ne soit jamais oubliée. En particulier, tant les spécialistes que les simples participants sont invités à faire des suggestions qui devraient encourager la Banque Centrale Européenne à élargir réellement son mandat initial.

À titre d’exemple, la visio-conférence du 17 mai avait pour thème : la BCE doit-elle flécher plus systématiquement les flux financiers vers le changement climatique, et le peut-elle ? Les experts invités, avec des points de vue différents mais non opposés, étaient Jézabel Couppey-Soubeyran, maîtresse de conférences et économiste, et Jean-Pierre Landau, ancien haut fonctionnaire français, spécialiste du système bancaire -un débat de haute volée donc. Tout comme celui du 25 mai, sur le thème « Comment faire de la BCE notre Banque citoyenne européenne? » avec comme discutants Pervenche Bérès, ancienne euro-députée, et Georges Papaconstantinou, ancien ministre des Finances du gouvernement socialiste grec en 2010.


Circonstance importante : il se trouve précisément que la BCE a prévu de procéder en septembre 2021 à une évaluation stratégique de son action. Ce n’est pas un propos en l’air, même s’il ne fait pas la une de nos journaux télévisés ; qu’on en juge par cette annonce faite en toutes lettres sur le site de la BCE (8):


La BCE et l’ensemble des banques centrales nationales de la zone euro organisent différentes activités d’écoute auprès du grand public, des organisations de la société civile et des milieux universitaires. Les idées et points de vue exprimés lors de ces rencontres alimenteront notre évaluation stratégique.

Et le texte est en français !


C’est pour répondre à cette invitation que plusieurs organisations de la société civile ont créé la Banque citoyenne européenne pour permettre aux citoyens de faire entendre leur voix lors de cette évaluation.


Au terme de cette première étape du processus, une « Assemblée citoyenne » composée de 30 à 40 participants se réunira en distanciel le 4 juillet dans chacun des 5 pays engagés dans cette « BCE » nouvelle mouture. Ces participants, volontaires et ensuite tirés au sort, élaboreront avec l’aide d’animateurs qualifiés trois propositions susceptibles d’être portées à la connaissance de la BCE (celle de Francfort) dans la perspective de cette évaluation stratégique prévue au cours du dernier quadrimestre 2021.


Pour ma part, je suis en général assez circonspect à l’égard de certaines formes de démocratie dite participative ; ainsi d’ailleurs que vis-à-vis des initiatives qui se proclament « citoyennes » : elles cachent souvent un activisme qui a tendance à prendre le pas sur la raison et l’information factuelle.


Mais dans le cas présent, rien à dire : chapeau !


Jean-Luc Bernet, vice-président du MEF-30


Pour en savoir plus : https://europeancitizensbank.eu/processes/France?locale=fr


(1) En bon français : European Citizens Bank…

(2) https://www.veblen-institute.org. Thorstein Veblen est un économiste hétérodoxe du début du 20e siècle. Fondateur en économie du courant « institutionnaliste », il est considéré comme un des inspirateurs du pragmatisme keynésien appliqué par Roosevelt.

(6) Dans le cadre du programme « Europe for citizens »

(7) On trouve en effet : ONE pour Our New Economy, Revo (Rethink Recovery)-Prosperidad Sostenible, Rethink the Recovery NL, mais on soupire d’aise avec Finanzaetica (ouf!).

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