Brexit: vers un sprint final ?
Pour le moment les jours et les semaines s’égrènent, la cloche annonçant le dernier tour a peut-être déjà sonné, mais le Royaume-Uni et l’Union européenne restent arc-boutés sur des positions très figées.
Les deux parties ont décidé début octobre « d’intensifier leurs négociations » qui doivent se terminer bien avant le 31 décembre (pour laisser le temps de la ratification d’un accord), mais cela n’a pour le moment pas entraîné de mouvements visibles.
Seul élément récent, qui ne doit certes pas améliorer l’ambiance : le 1er octobre la Commission européenne a entamé contre le Royaume-Uni une procédure d’infraction pour non respect d’un accord signé. Et pas un accord annexe ni ancien: il s’agit du texte mis au point à grand-peine sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 31 janvier. Londres dispose d’un mois pour répondre. La procédure pourrait se terminer devant la Cour de justice de l’Union européenne, honnie par les Brexiters !
Même à l’intérieur du parti conservateur, certains des membres importants constatent que le projet de loi sur le marché intérieur de Boris Johnson revient sur une partie de l’accord de divorce avec l’UE (il s’agit des conditions douanières pour les marchandises passant par l’Irlande du Nord) et en cela ils trouvent que le Royaume-Uni viole les lois internationales, comme le font des « États voyous » : shocking, isn’it ? Beaucoup lui reprochent aussi une gestion maladroite de la crise du Covid (il en a lui-même été atteint), qu’il aurait sous-estimée, d’où un confinement trop tardif (ce n’est pas sans rappeler un grand pays anglophone de l’autre côté de l’Atlantique...). Globalement Boris Johnson a donc vu sa cote baisser.
La pêche est un des points qui cristallisent les oppositions entre le Royaume-Uni et l’UE, dont l’équipe de négociation est toujours menée par Michel Barnier.
La Politique commune de la pêche garantit jusqu’à maintenant l’accès des bateaux de pêche européens aux eaux de tous les pays européens côtiers, à condition qu’ils respectent des quotas de prises définis chaque année en commun. Le Royaume-Uni entend « retrouver le plein contrôle de ses eaux »… et pour une île c’est évidemment de première importance ! Par le plein contrôle, le Royaume-Uni entend : négocier la quantité de poisson qui pourra y être pêchée, et par qui, ce que n’accepte pas l’UE.
Le sujet est d’autant plus important, et pas seulement pour les pêcheurs britanniques, que l’espace maritime du Royaume-Uni est très vaste et très poissonneux. Les pêcheurs français, espagnols, belges, danois, irlandais, néerlandais, y font une part importante de leur pêche, et redoutent que s’il n’y a pas rapidement un accord le Royaume-Uni « mette des barbelés sur ses frontières maritimes ». Or le poisson pêché dans les eaux du Royaume-Uni par des bateaux d’autres pays européens représente plus de 40 % du tonnage pêché par ces bateaux. Les pêcheurs du Royaume-Uni, eux, vont peu dans les eaux d’autres pays européens, où ils pêchent moins de 20 % de leurs prises…. et ils vendent 75 % de leur poisson aux autres pays européens, la France étant leur premier client avec la moitié de ces ventes. En résumé, le Royaume-Uni a la ressource, mais les autres pays européens ont l’écoulement : normalement on devrait pouvoir trouver un accord équilibré !
En l’absence d’un accord, le Royaume-Uni pourrait interdire l’accès de sa zone économique maritime exclusive (200 milles marins, soit 370 km) aux bateaux de pêche européens, et négocier des accords séparés avec chaque pays. Les pêcheurs européens le redoutent, notamment les pêcheurs des Hauts-de-France, de Normandie et de Bretagne.
Un élément dont tente de profiter le Royaume-Uni est que la question de la pêche dans les eaux du Royaume-Uni ne concerne qu’une partie des 27 États de l’UE : tous n’ont pas de côtes sur l’Atlantique, la Manche ou la Mer du Nord. Tenter de diviser l’UE, une politique souvent appliquée, que ce soit avant ou après les Horaces et les Curiaces …
Les négociations avec le Royaume-Uni seront bien sûr un des grands sujets à l’ordre du jour du Conseil européen (les 27 chefs d’Etats ou de gouvernements) des 15 et 16 octobre. Cela peut-il déclencher un sprint final dans ces négociations ? Let’s wait and see !!
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